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Mon chemin de croix

4 mai 2016
 - 
par Camille Hébert

Mon chemin de croix

Je me souviens de l’entrée de notre fille à l’école primaire. À ce moment, nous, ses parents, nous demandons s’il doit y avoir dérogation ou non, donc si notre fille doit débuter l’école à 5 ans ou à 6 ans ?

 

 

Pas de nuages à l'horizon

Suite au « feedback » de la garderie et aux recommandations sans réserve du psychologue aidant, nous optons finalement pour l’entrée au primaire à 5 ans. Les commentaires du psychologue et les résultats exceptionnels obtenus lors des tests d’intelligence font en sorte qu’en tant que parents, on se sent très fiers et on envisage le futur de notre enfant comme allant de soi, sans trop de nuages à l’horizon.

 


On s’imagine alors qu’elle réussira facilement tout ce qu’elle entreprendra. Il est trop tôt encore pour formuler des rêves ou des attentes spécifiques pour elle. Tout ce qu’on espère, c’est que grâce à son intelligence et sa curiosité, elle profitera au maximum de son passage au primaire. Et c’est exactement ce qui arrive.

 

 

Nous, ses parents, sommes fiers de la voir réussir si bien à tous points de vue, autant académique que social. On remarque déjà un intérêt pour le domaine artistique (dessin, découpage, spectacles à la maison, etc.).

Entrée au secondaire

Ensuite, c’est l’entrée au secondaire, en collège privé. En général, l’adaptation se fait assez bien, sauf peut-être pour ce qui est de la discipline rigide et de la vie «trop» en groupe. Les résultats scolaires sont excellents. En plus, elle obtient plusieurs mentions spéciales pour son initiative, ses efforts, certains travaux, etc. Comme parents, on est très fiers et tout semble très bien aller.

 


Du secondaire 1 à 4, son comportement est assez normal, avec un peu de révolte ici et là contre l’autorité et les règlements. On se dit alors que c’est quand même compréhensible pour une adolescente.

Les premiers signaux... le secondaire 5

En secondaire 5, on commence à observer des changements. Un peu de laisser-aller, des crises au sujet de la réussite de certains cours, du découragement et même de la panique lors de travaux à remettre ou d’examens à préparer.

Je me dis que c’est un peu normal tout ça. J’ai étudié au même collège et je suis passé par là. Il y a beaucoup de pression pour terminer le secondaire avec de bonnes notes, car celles-ci ont une influence sur l’admission au CEGEP. Il faut aussi choisir un CEGEP et un programme d’études.

Elle termine le secondaire 5 assez difficilement, terminant un cours avec un échec (le premier de sa vie). Elle obtient quand même son diplôme. On sent que quelque chose ne va pas, mais on ne sait pas quoi. Son silence ne nous aide pas. On apprendra plus tard qu’elle a été victime d’intimidation, qu’elle était «reject». Pourquoi ? Ce n’est pas clair. On se demande quoi faire pour l’aider. On ne le sait pas.

Le premier choc

En fait, on diagnostique une dépression majeure au début du secondaire 5, soit en octobre. Elle a alors 16 ans.

Est-ce qu’on l’a vue venir ? Peut-être un peu, mais ce n’est pas évident. Ça se développe graduellement ces choses-là.

Je me souviens surtout qu’elle se réfugiait dans le sommeil, dans de très longues nuits de sommeil. Mais je me suis dit que ça allait s’arranger. Je me suis dit «pas ma fille, si intelligente, qui a si bien réussi jusqu’à maintenant ». Je ne sais pas comment elle a réussi à passer à travers cette année d’enfer et à obtenir son diplôme. Je ne me souviens pas très bien de cette année-là. Mais comme parents, je vous assure qu’on a souffert, en essayant de le cacher à l’entourage, sauf aux amis très proches qui ont su nous réconforter. Malgré la peine, nous l’avons soutenue et encouragée du mieux qu’on a pu. Mais notre fille a surtout réussi grâce à son grand courage et sa force de caractère. Bravo!

Le deuxième choc

C’est l’entrée au CEGEP. Il n’y a plus d’encadrement et de suivi comme au collège. Le choix initial, les sciences humaines, n’est pas le bon. Il n’y a aucun intérêt de sa part.

 


C’est donc le laisser aller durant toute la 1ère année, avec de mauvaises notes et de nombreux échecs. À cela s’ajoute la consommation quotidienne de drogue et la boisson.

On est dans l’ignorance une bonne partie de l’année; on pense que ça va assez bien. Mais lorsqu’on apprend la vérité, c’est comme un coup de masse dans le front. Ça ne se peut pas! Pourquoi?

Le troisième choc

C’est la deuxième année au CEGEP. Notre fille change de programme et choisit les arts plastiques. On voit qu’elle est plus heureuse et la 1ère session est une réussite. Mais elle retombe à la 2ème session et passe un mois en psychiatrie à l’hôpital.

 


S’agit-il d’une dépression ? Alors là, pour nous c’est le choc total, l’effondrement. La voir dans cet environnement, la voir «gelée» par les médicaments, se faire dire parfois qu’elle ne veut pas nous voir, ne pas comprendre la logique derrière le traitement, tout cela fait en sorte qu’on ne sait pas quoi faire, on ne sait pas à quoi s’attendre. J’étais paralysé par cette situation.

 


C’était comme si j’attendais que ma fille me transfère une partie de sa souffrance afin de se libérer. Comme c’était impossible, j’ai souffert pour rien. Je suis resté dans mon coin. Je n’ai pas cherché d’aide pour moi.

 

L'avant dernier choc

Après le CEGEP, il y a eu les années d’université, entrecoupées de cinq voyages au Pérou. Ce fut un mélange de périodes euphoriques et dépressives (plus nombreuses) pour elle, mais aussi pour nous, ses parents. Encore une fois, grâce à son courage et sa persévérance, notre fille obtient son baccalauréat en Arts. Quelle joie pour nous!

Un dernier choc

Après le bac en Arts, notre fille a continué ses études pour obtenir un bac en enseignement des Arts. Tout va bien pendant quatre sessions. Puis elle fait une mauvaise rencontre. Elle abandonne les études, retourne à la boisson et à la drogue. En juillet 2014, elle touche le fond. On est très affectés.

Les émotions que vivent les parents d'une personne qui souffre de maladie mentale

On a vécu de la colère à son endroit à l’occasion, pour le regretter par la suite. On ne pouvait plus supporter de ne la voir «rien faire», même si on savait, même si on comprenait qu’elle n’avait pas l’énergie pour faire quoi que ce soit.

 


On a aussi ressenti de la frustration du fait de ne pas avoir vu venir les choses, d’avoir attendu trop longtemps pour agir lorsqu’on a compris la situation, de l’avoir laissé souffrir pour rien... Bref de la culpabilité.  De la frustration aussi de n’avoir pu comprendre comment fonctionne le réseau, de ne pas connaître les ressources disponibles pour elle et pour nous-mêmes.

 


En tant que membre de l’entourage, jusqu’à ce qu’on accepte enfin que notre proche est atteint d’une maladie, on essaie souvent d’expliquer ce qui se passe, de se convaincre qu’il y a une logique dans tout ça. En fait, on essaie de se rassurer. C’est une forme de déni.

 


Lorsque notre fille a compris et accepté sa maladie, qu’elle a accepté la prise de médicaments, qu’elle a réalisé ses responsabilités face à sa guérison, on a alors senti la tension diminuer, pour elle comme pour nous.

L'acceptation et le lâcher prise

Quand les parents et le proche atteint ont compris et accepté que la contribution des parents par l’encouragement, l’aide et l’écoute est nécessaire mais limitée, les choses sont plus claires. C’est à ce moment qu’on peut penser à une amélioration de la situation, mais sans oublier toutefois la possibilité d’une rechute.

 


Comme parents, devant les multiples situations difficiles vécues et la découverte de la maladie mentale chez notre fille, on était démunis, isolés, envahis par la peine. On essayait bien maladroitement de sauver notre fille au détriment de notre santé physique et psychologique.

Des ressources pour la famille et la personne souffrante

On a cherché du réconfort auprès d’amis, mais ce n’était pas assez. Si on avait connu l’ALPABEM à ce moment-là, on aurait consulté rapidement pour ensuite mieux réagir face aux diverses situations.

 


En juillet 2014, après avoir touché le fond, notre fille consulte en psychiatrie à la Cité de la Santé, où une psychiatre la prend en charge, la brasse un peu et lui indique quelques ressources qui devraient l’aider. Et en effet, ces ressources l’ont beaucoup aidée.

 

  • La 1ère ressource a été un centre pour personnes en crise, qui l’a accueillie dix jours et lui a permis d’apaiser sa crise et de faire plusieurs démarches pour la suite des choses. On a alors eu droit à un répit bien mérité et on était réjouis de la voir motivée à faire ses démarches.

  • La 2ième ressource a été un organisme aidant les personnes aux prises avec des dépendances. Notre fille est sobre depuis juillet 2014. Tout le monde lui dit qu’elle a l’air bien et qu’elle n’est plus la même personne. On en est très heureux et on l’encourage à chaque occasion.

  • La 3ième ressource a été un psychologue qu’elle consulte régulièrement depuis juillet 2014. Elle nous dit qu’elle a beaucoup progressé. Cela nous semble évident et c’est une autre source de fierté pour nous.

  • La 4ième ressource a été un endroit accueillant des femmes qui tentent de s’en sortir et qui désirent acquérir confiance en soi et autonomie. Notre fille y est déménagée en novembre 2014 et jusqu’à maintenant, les choses se passent très bien.

 

La partie n’est pas gagnée, loin de là. Il y aura peut-être des rechutes. Mais les démarches entreprises permettent à notre fille d’aller dans la bonne direction.Nous, ses parents, sommes très fiers d’elle!

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